Nous vous en parlons souvent, nous sommes situés à Saint-Bris-le-Vineux dans l’Yonne, sur le site Ulterïa. On y trouve une chèvrerie, une école Montessori, et nos locaux qui abritent les bureaux HorÏzons mais aussi l’une des usines de fabrication. Ce bâtiment récent, nous l’avons construit en cradle-to-cradle. Qu’est-ce que cette technique ? À quoi sert-elle et comment la met-on en œuvre ?
Voici ce que nous avons retenu de notre cheminement.
En français, cradle-to-cradle se traduit par “du berceau au berceau”.
C’est une approche novatrice de la durabilité qui vise à créer des produits et des systèmes capables de soutenir l'environnement tout au long de leur cycle de vie. Conçu par l'architecte William McDonough et le chimiste Michael Braungart dans les années 90, le Cradle-to-Cradle s'oppose au modèle traditionnel "du berceau à la tombe". Celui-ci génère des déchets et exerce une pression continue sur les ressources naturelles.
Le Cradle-to-Cradle repose sur cinq principes fondamentaux :
Les produits conçus selon cette approche ne devraient pas générer de déchets à la fin de leur vie utile. Au lieu d'être éliminés, ils sont destinés à être réutilisés ou recyclés.
Les processus de production doivent être alimentés par des sources d'énergie renouvelable pour minimiser l'impact environnemental.
Les matériaux utilisés dans les produits doivent être compatibles avec les processus biologiques et peuvent retourner en toute sécurité dans l'écosystème sans nuire à l'environnement.
Les matériaux techniques doivent être conçus pour être recyclés à plusieurs reprises sans perdre leur qualité ni libérer des substances toxiques.
Le cradle-to-cradle encourage également la prise en compte des aspects sociaux, tels que les conditions de travail et les relations communautaires, dans la conception et la production des produits.
Ainsi, la conception selon les principes du cradle-to-cradle nécessite une réflexion approfondie sur les matériaux utilisés, les processus de fabrication et la durabilité à long terme. Les concepteurs doivent envisager la recyclabilité, la réutilisation et l'impact environnemental à chaque étape du processus de création.
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Bien que le cradle-to-cradle offre un cadre prometteur pour la durabilité, il n'est pas sans défis. La mise en œuvre nécessite souvent des changements importants dans les chaînes d'approvisionnement, les modèles commerciaux et les mentalités. Cependant, avec une sensibilisation croissante aux enjeux environnementaux, de plus en plus d'entreprises adoptent cette approche.
“Le bâtiment le plus écologique, c’est celui qu’on ne construit pas”.
Mais alors pourquoi construire ? L’ancien bâtiment Mobil Wood était situé en zone inondable, et effectivement inondé 2 fois dans les 5 années précédentes. Rénover ou construire sur cette zone était impossible. Le projet d'usine cradle-to-cradle est né, et l’emplacement à Saint-Bris-le-Vineux à quelques kilomètres de l’ancienne usine a permis de garder un ancrage territorial et rural, valeur importante pour Ulterïa.
Fantin, la cheville ouvrière du projet, résume le cradle-to-cradle comme ceci : “penser le projet et le bâtiment de manière systémique, c’est-à-dire dans son ensemble, avoir une vision écologique dans sa globalité. Pas uniquement l’approche des matériaux, celle de la biodiversité ou celle de l’humain, mais une vision écologique intégrale.”
Selon les principes de l’économie circulaire, il s’agit de penser dès la construction à la durée de vie et à la déconstruction.
Après un premier projet imaginé dans la précipitation, le processus de conception a été continuellement ouvert, alimenté par des visites aux Pays-Bas pour explorer des bâtiments cradle-to-cradle avancés. L'équipe a repensé les bureaux, les relations avec l'extérieur, et le modèle économique pour une approche plus sobre et écologique.
Une équipe de maîtrise d'œuvre a été constituée :
À ces spécialistes ont été associés un psychologue du travail, un bureau d’études acoustiques et un contrôleur technique.
Il a fallu accepter de donner du temps à ce projet pour réfléchir toutes ses étapes.
Il n’y a pas de solutions miracle ou de recettes toutes faites pour concevoir en cradle-to-cradle. Chaque étape a été le fruit de longues réflexions, concertations et recherches.
Il y a trois domaines d’action pour réduire l’impact d’une construction :
Mais pour nous, le bâtiment reste un moyen au service de ses occupants et pas l’inverse ! Nous avons donc décidé de commencer par la maîtrise d’usage, à savoir le besoin utilisateur.
Nous sommes donc partis du besoin utilisateur. Qu’est-ce qui marche bien dans l’usine actuelle ? Qu’est-ce qui ne marche pas ? Qu'est-ce qui peut être dangereux ?
Nous sommes allés chercher le besoin de chaque personne, le fonctionnement des équipes, les rouages implicites qui donnent une bonne ambiance au lieu.
Nous avons identifié des besoins universels :
Et des besoins plus spécifiques à notre usine :
À partir de ces observations, des choix techniques ont commencé à se dessiner :
Nous avons réalisé que prendre le temps de comprendre les usagers permet de construire moins mais mieux.
Une fois que les choix pour les usagers ont été faits, il était alors possible de se concentrer sur la structure du bâtiment.
Dans le cadre de l’économie linéaire, un bâtiment est pensé comme un objet de consommation, utilisé pendant 30 ou 50 ans, puis jeté. C’est là que l’économie circulaire rentre en jeu. La question à se poser est : comment puis-je allonger la durée de vie de mon bâtiment et penser dès maintenant au jour où il faudra le détruire, ou plutôt le démonter ?
Les énergies grises sont les énergies nécessaires pour que les matériaux de construction arrivent sur site. Il y a plusieurs leviers pour minimiser cet impact :
Là aussi, en cradle-to-cradle il y a plusieurs leviers d’action pour que l'évolution du bâtiment ait le moins d’impact :
Pour un impact positif, il faut aussi prendre en compte toutes les ressources qui vont être nécessaires à la vie du bâtiment. Pour Mobil Wood, nous avons pensé à :
Projetons-nous dans 60, 70 voire 100 ans et imaginons le démantèlement du bâtiment. Plus les matériaux sont nobles, plus il est facile de les valoriser. Bois massif, pierre ou parquet sont inusables et facilement réemployables. Plus les assemblages entre les matériaux sont simples, plus ils seront faciles à démonter. De même, si les réseaux techniques sont séparés, ils seront plus facilement démontables. Toutes ces solutions sont à penser dès la conception.
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En observant les principes du cradle-to-cradle, on prend conscience que chaque action a une répercussion : tout est lié. Nous avons appliqué ces principes à un bâtiment, mais des entreprises telles que Steelcase, Interface ou Ecover les appliquent à leurs produits et processus de fabrication.
Ainsi, plus de 650 produits et 300 entreprises ont été certifiés cradle-to-cradle à travers le monde.
Reste une question, celle du coût. Oui, construire de cette façon est plus cher au départ. Plus de qualité, plus d’autonomie, plus de diversité. Cela dit, le coût de construction ne représente que 20% du coût total d’un bâtiment !
Avec la suppression du gaz et autres énergies non renouvelables, la diminution de la consommation d’eau et d’électricité, on revient à un équilibre cohérent quand on regarde l’usage du bâtiment. En calculant sur 20 ans et en prenant en compte le coût de construction et le coût d’usage, le bilan est positif à la fois pour l’entreprise mais aussi bien sûr pour l’environnement.
En plus, ces projets environnementalement exemplaires peuvent être subventionnés, et quand on additionne tout cela, on arrive à construire plus durablement au même prix.
Notre espoir ? Que notre aventure du cradle-to-cradle donne envie à d’autres de se lancer !